Voici un cas classique en orthopédie vétérinaire, j’ai choisi de vous le présenter pour diverses raisons :
- 1/ Les consultations pour fractures deviennent relativement rares. Les chiens sont tenus en laisse, ( trop ? je le pense, pour leur bien-être psychologique, leurs relations sociales … ). Les chats sont souvent en appartement, sans sortie à l’extérieur ( sans contact avec leurs congénères – Qui voudrait vivre enfermé, même dans une prison dorée ?.. mais nous dirons que bien souvent ils ne savent même pas qu’un monde extérieur existe, et je l’avoue, Tous ces chats d’appartement ne me semblent pas vraiment malheureux ! ) – mais tout ça est un autre sujet, je propose d’en débattre une autre fois, aujourd’hui nous parlons de fractures osseuses et de leur traitement par ostéosynthèse.
En ville, la majorité des fractures que nous voyons en clinique concernent des Chats, souvent suite à une défenestration depuis un appartement. Effectivement, nos petits félins sont à juste titre attirés et curieux de voir dehors, par la fenêtre, ce drôle de monde qui paraît infini. Ils aiment monter sur les bords de fenêtre, ils sont très agiles voir équilibristes, mais l’accident les guette. Le risque de chute existe.
La gravité des défenestrations dépend évidemment de la hauteur de chute. Au delà de trois étages, les risques de lésions graves sont évidemment importants. La nature du sol au niveau de l’impact est primordial, un sol dur est traumatisant, alors que des végétaux peuvent amortir la chute. Les rebords de fenêtres et balustrades de balcons, sont autant de points d’impacts supplémentaires, générant des lésions. Le risque de décès immédiat est estimé à plus de 12%, toutes chutes confondues. Une prise en charge médicale rapide est évidemment nécessaire, les défenestrations entrainent toujours un polytraumatisme. Après un délai de 48h, on estime que le risque vital est écarté. cela dépend bien-sûr de la technicité des soins apportés. Un bilan post-traumatique est nécessaire avec une prise en charge des urgences vitales, des douleurs et un programme de soins appropriés. La gestion des fractures éventuelles n’est généralement pas urgente, elles seront traitées dans les jours qui suivent. Par contre des soins adaptés sont tout de suite nécessaires, en cas de fracture ouverte par exemple, et dans tous les cas une stabilisation temporaire par pansement est bienvenue.
- 2/ La fracture que je vous présente aujourd’hui : Fracture du fémur – métaphysaire distale, avec déplacement postérieur, est une fracture classique, souvent rencontrée chez le chat, notamment lors de défenestration. Dans sa chute, le chat se place en position de réception, sur ses pattes – ( « un chat retombe toujours sur ses pattes » ! : ce n’est pas toujours vrai !! ) – lors de l’impact, son genou vient cogner fortement au sol, l’os se brise juste au dessus du genou.
- 3/ Le choix d’une méthode Chirurgicale simple, « ancienne » mais toujours d’actualité, peu onéreuse, mais efficace : l’ ECM = Enclouage Centro-Médullaire.
Pour cicatriser correctement, les fragments osseux doivent être remis en contact,en position anatomique, puis stabilisés correctement. L’absence de mouvement entre les abouts osseux permet d’obtenir une cicatrisation.
L’ECM consiste à entrer un implant chirurgical métallique en forme de clou – broche, de diamètre relativement important- dans le fût osseux, de bout en bout, en passant dans la cavité médullaire de l’os long. Cela permet de rigidifier l’os et de pallier temporairement au défaut de soutien mécanique du tube formé par le fût osseux.
L’ECM est une technique d’ostéosynthèse simple, rapide, avec un implant métallique peu onéreux. Elle est donc intéressante en chirurgie vétérinaire.
Notre cas clinique de la semaine :
Chat de 1 an, défenestration 3 étages.
Bilan : Traumatisme thoracique, contusions et hémorragies pulmonaires : traitement médical et surveillance 24 – 48h : Hospitalisation, fluidothérapie, repos, antalgiques.
Fracture simple transverse, avec quelques petites esquilles, métaphysaire ( au-dessus de l’épiphyse ) distale, du Fémur gauche : soit juste au-dessus du genou. Chirurgie ostéosynthèse programmée dans 48 heures.
La chirurgie est absolument nécessaire. La pose d’un plâtre n’est pas possible dans ces cas : la fracture est trop instable, le risque de non cicatrisation est trop important & le fragment distal – soit l’articulation du genou -s’est déplacé en arrière du fût fémoral, il n’est plus du tout à sa place. Sans opération – ( pour réduire la fracture = replacer correctement les fragments osseux les uns par rapport aux autres ) + et ( sans stabilisation efficace = faire en sorte que tout reste en place sans mouvement possible pour que la cicatrisation se fasse correctement ) … Sans opération donc, la récupération est impossible, ce chat serait sérieusement handicapé à vie.
Chirurgie – ostéosyntèse
Anesthésie générale :Voie veineuse, perfusion, prémédication, analgésie, intubation trachéale, anesthésie volatile isoflurane, oxygénation, monitoring cardio-respiratoire. Durée 1h15 mn
Chirurgie : Voie d’abord latérale du grasset ( genou ) s’étendant au tiers distal du fémur. Dissection et accès au foyer de fracture. Extraction des fragments et petites esquilles dévascularisées. Réduction de la fracture par manipulation au daviers.
Enclouage centro-médullaire avec un Clou de Steinmann de 3 mm, par voie antérograde en zone inter-condylaire au niveau du genou. Le clou s’aligne dans le fût fémoral et ressort en position proximale, dorsalement dans la fosse trochantérienne. Nous le laissons dépasser dans les muscles fessiers, pour pouvoir le retirer dans 2 mois environ, une fois la cicatrisation obtenue. On obtient une bonne réduction de la fracture, une stabilité en angulation et le maintien de la longueur par l’implantation du clou entre les deux extrémités de l’os. L’engrènement des fragments, les fortes tractions musculaires des muscles de la cuisse sur le genou, nous assure une stabilité suffisante en rotation. Aucun implant supplémentaire n’est nécessaire dans cette ostéosynthèse.
Le fémur du chat est un os long bien rectiligne, il s’adapte bien à l’ECM. C’est moins le cas, chez le chien, chez qui nous préfèrerons un immobilisation par plaque osseuse. Le tibia est aussi un os adapté pour l’ECM, chez le chien et le chat. L’humérus aussi, dans certaines fractures simples.
Le Clou est mis en place, la fracture est stable, nous pouvons finir l’intervention. Les différents plans musculaires, cutanés sont refermés par sutures chirurgicales.Un pansement simple est appliqué. Une antibiothérapie préventive et des antalgiques sont prescrits pour 5 jours.
Le chat sera revu dans 2 semaines : retrait pansement, fils, contrôle. Puis un nouveau contrôle et des radiographies seront effectuées dans 5 semaines. Le retrait de l’enclouage est préférable, il sera effectué dans 6 à 9 semaines.
Les risques de complications :
L’ECM seul stabilise l’os dans l’axe de sa longueur. Par contre il ne supprime pas les mouvement de rotation qui peuvent compromettre la stabilisation et donc la guérison de la fracture. Dans notre cas, la technique d’enclouage, en pénétrant par l’articulation du genou, permet de mettre en compression les fragments, de bien les engrener, et de stabiliser en rotation.
Dans d’autres situations, il faut utiliser des techniques complémentaires pour empêcher la rotation. Il existe des clous verrouillés : des vis traversent le fût en passant dans des orifices du clou. On améliore nettement la stabilité, mais on augmente considérablement le coût et la difficulté de la technicité.
On peut utiliser un fixateur – ou hémi-fixateur externe : j’aime bien personnellement cette technique, pour sa simplicité, son faible coût et son efficacité.
Exemple technique du Tie-In ( cf autre article chirurgie orthopédique )
Une immobilisation complémentaire par Plaque : technique Clou-Plaque : une technique intéressante en médecine vétérinaire, pour augmenter la stabilité et la solidité d’un montage orthopédique chez nos patients, parfois trop actif durant leur convalescence. Cette technique sera souvent utilisée chez les chiens, plus lourd et plus actifs, pour consolider le montage. Evidémment, beaucoup plus onéreuse, le temps opératoire est aussi beaucoup plus long.
Ce cas illustre la réalisation d’une Ostéosynthèse simple, réalisée avec du matériel économique. Ce type de fracture est fréquent chez le jeune chat en cours, lors d’accident sur la voie publique, mais aussi lors de défenestrations.
La chirurgie osseuse nécessite souvent de la technicité, du matériel spécialisé. Ce sont des actes onéreux pour les propriétaires d’animaux présentés pour fractures. Le vétérinaire peut proposer dans certains cas particuliers, mais relativement fréquent, des techniques simples, comme l’enclouage centro-médullaire, pour obtenir une guérison satisfaisante à moindre coût. mais chaque cas est particulier, dans certains cas, le recours à une technique complexe sera indispensable, pour avoir toutes les chances de guérison sans complication.
Dr Martin DUBOIS – Clinique Vétérinaire Montagne Verte 67200 STRASBOURG
Chirurgie des Animaux domestiques